Writers & Directors Worldwide met l’accent sur la coopération internationale lors de son congrès annuel d’Alger

26 avr 2018

Le ministre algérien de la Culture Azzedine Mihoubi et Marcelo Piñeyro, Vice-Président de la CISAC, ouvrent l’évènement en soulignant le rôle fédérateur de la culture.

Les créateurs de 26 pays se sont réunis en Algérie pour le Congrès annuel de Writers & Directors Worldwide (W&DW). W&DW est le conseil des créateurs audiovisuels, dramatiques et littéraires de la CISAC. Organisé avec l’aide de la société algérienne ONDA, cet évènement coïncidait avec l’une des plus grandes fêtes de l’art et de la culture en Afrique : le Salon de la Créativité.

L’Algérie est à l’avant-garde du combat pour renforcer les droits des auteurs en Afrique, a souligné le Directeur Général de l’ONDA, Sami Bencheikh El-Hocine, avant de céder la parole à Azzedine Mihoubi, ministre algérien de la Culture, et à Marcelo Piñeyro, Vice-Président de la CISAC. Le ministre a vanté le rôle de la culture dans la société en ces termes : « La culture est le ciment qui permet aux membres de la société de communiquer entre eux grâce à toutes ses formes, l’art, la musique, la danse, la littérature et la création audiovisuelle ». Elle a un rôle fédérateur et peut être un outil pour atténuer les extrémismes. Elle propage les idéaux humanistes et l’idéal d’une plus grande diversité culturelle ».

ONDA Director General and CISAC Board Member Sami Bencheikh El Hocine welcomes W&DW to Algeria.

Azzedine Mihoubi s’est associé au ministre de la Communication Djamel Kaouane et au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le Professeur Tahar Hadjar, pour souhaiter la bienvenue aux participants au nom du Président Abdelaziz Bouteflika.

Marcelo Piñeyro, Vice-Président de la CISAC, a ensuite souligné les énormes avancées obtenues par W&DW ces dix dernières années. Il y a dix ans de cela, les droits des créateurs audiovisuels n’étaient pas reconnus. La création d’alliances régionales en Asie-Pacifique et en Amérique latine a permis de fédérer les créateurs. « Nous présentons un front uni contre les difficultés et les défis auxquels nous sommes confrontés, voilà qui nous donne un rayon d’espoir ».

CISAC Vice President Marcelo Piñeyro with Minister of Higher Education and Scientific Research Professor Tahar Hadjar, Minister of Culture Azzedine Mihoubi and Minister of Communication Djamel Kaouane.

Le Président de W&DW Horacio Maldonado a remercié le ministre algérien de la Culture et la société organisatrice, l’ONDA, ainsi que le Directeur Général de la CISAC Gadi Oron et le Département juridique. Ce Congrès annuel a également profité de la présence de la FERA, de la SAA et de la FSE pour établir un climat de confiance mutuelle et développer des stratégies communes.

Les participants ont reçu un point sur la situation du secteur dramatique, littéraire et audiovisuel en Afrique. Le continent abrite 37 sociétés membres de la CISAC, dont 10 gèrent le répertoire audiovisuel. Samuel Sangwa, Directeur Régional Afrique de la CISAC, a attiré l’attention sur les problèmes de la région, notamment le manque de compréhension de la notion de rémunération équitable et le manque d’expertise technique dans les relations avec les utilisateurs. Mettre les auteurs sur le devant de la scène est indispensable pour un lobbying efficace. Voilà ce qui est ressorti clairement de la table ronde organisée en marge du MASA Festival en Côte d’Ivoire, où Lokua Kanza, auteur-compositeur-interprète congolais de renommée internationale a contribué à obtenir l’engagement du Gouvernement à mettre en place un système de rémunération pour copie privée en 2018.

Marcelo Piñeyro a animé une table ronde sur la situation en Amérique latine et l’alliance régionale de W&DW, l’ADAL. Dans cette région, la DASC a reçu l’autorisation de l’Office du droit d’auteur d’exercer officiellement en tant qu’organisation de gestion collective. Son Président, Mario Mitrotti, a appelé les autres sociétés membres à signer des accords de représentation avec sa société afin d’améliorer la collecte des droits en Colombie et dans les autres pays. Le Directeur Général d’ATN, Cesar Cuadra, a évoqué la fixation des tarifs pour pouvoir commencer à collecter les droits au Chili, mais a souligné les difficultés (y compris financières) de sa société, qui doit aller devant les tribunaux pour obtenir le paiement de certains utilisateurs comme les cinémas.

Le Brésil est désormais un territoire clé pour la campagne sur le droit à rémunération. Sylvio Back, le Président du DBCA, a fait le point sur la situation dans son pays. Il espère une intervention du ministère de la Culture pour amender la législation et permettre la collecte et la répartition des droits audiovisuels.

Le point sur les activités de l’alliance des créateurs de musique africains a également fait ressortir un certain nombre d’avancées. La PACSA a mis en place des ambassadeurs (à savoir des artistes célèbres) dans chaque pays qu’elle représente. Ces auteurs sont des moteurs du changement. Lokua Kanza l’a bien montré par sa visite au ministre ivoirien de la Communication, de l’Économie numérique et de la Poste. Au Cap Vert, la célèbre auteur-compositeur-interprète Solange Cesarovna a également pris une initiative de taille grâce à la PACSA. Constatant que son pays n’avait pas de société pour se battre pour ses droits, elle en a créé une elle-même et en a pris la Présidence. La première répartition a été célébrée par une grande fête réunissant 20 auteurs et compositeurs, parmi lesquels le doyen des compositeurs du pays.

CIAM composer Lorenzo Ferrero discusses PACSA and the efforts of CIAM in supporting music creators to W&DW.

W&DW s’est inspiré de ces exemples pour créer l’APASER et bientôt d’autres alliances. Fondée à Alger en 2017 et présente au Congrès de W&DW à Venise, l’APASER tiendra bientôt son assemblée constitutive. Une alliance doit aussi voir le jour en Asie-Pacifique, où la Directors Guild of Japan a déjà manifesté son soutien et exprimé le souhait d’avoir le titre d’observateur de W&DW.

En vue de mettre en place une collaboration active, la FERA, la FSE et la SAA ont présenté leurs organisations, en explorant les meilleures solutions pour surmonter les difficultés communes et en soulignant que faire entendre la voix des auteurs est le meilleur moyen de conquérir et de protéger les droits. Bien que ces organisations défendent essentiellement des enjeux européens, la CISAC, W&DW et les sociétés membres ont fait part de leur volonté et de leur disposition à soutenir leur action en Europe. En effet, si les choses changent en Europe, elles peuvent avoir des répercussions dans le reste du monde. Un front uni peut faire la différence, surtout face à des opposants autrement plus influents.

Les auteurs littéraires sont souvent oubliés et mal rémunérés, comme en a témoigné l’éminente dramaturge, poète et scénariste néerlandaise, Judith Herzberg. Malgorzata Semil, membre du CA de la ZAiKS, a souligné pour sa part que ses œuvres ont reçu de multiples récompenses au Portugal, mais qu’elle n’a jamais touché la moindre rémunération en conséquence. Lorsqu’elle a été invitée à réclamer le paiement de ses droits, elle avait déjà perdu espoir et abandonné le combat. Elle a dédié aux délégués de W&DW de son poème intitulé « The Generous Writer ».

L’International Authors Forum (IAF) a mis en avant les problèmes spécifiques à ce secteur, notamment la méconnaissance, par les auteurs, de leurs droits primaires et secondaires. Selon la Directrice Générale de l’AKKA/LAA, Inese Paklone, ils ignorent souvent qu’ils peuvent être rémunérés pour l’utilisation de leurs œuvres. Et quand ils le savent, ils ne font pas valoir leurs droits avant qu’il ne soit trop tard. Les jeunes auteurs ne réalisent pas que, s’ils n’ont pas forcément besoin de cet argent maintenant, ils en auront besoin plus tard pour leur pension, a souligné Miguel Angel Diani de la société ARGENTORES.

W&DW supports the rights and protections of audiovisual, literary and dramatic authors.

Biagio Proietti, auteur de la SIAE, a expliqué le combat des auteurs italiens face au refus de SKY Italia de payer les droits dus pendant des années. La SIAE a décidé de porter l’affaire sur la place publique et a publié dans les journaux italiens un communiqué d’une page citant le nom de plus de 1 000 créateurs. Cette initiative illustre bien l’importance, pour les créateurs, de présenter un front uni face au refus des utilisateurs de respecter leurs droits.

Le Professeur Ahmed Bedjaoui a donné aux délégués une rétrospective unique de l’histoire du cinéma africain. Il a retracé son évolution, souligné l’importance de l’existence d’une salle de cinéma dans un quartier et exploré l’impact des nouvelles technologies (comme la VOD).

Nacera Ayaychia, membre du CA de l’ONDA, la société organisatrice, a délivré un discours pour présenter sa société au nom du Directeur Général Sami Bencheikh El Hocine. L’ONDA s’efforce actuellement de régler ses problèmes avec les chaînes de télévision privées, en sachant que 10 chaînes seulement acceptent de rémunérer les auteurs. La copie privée est une source de collectes essentielles en Algérie, et permet aussi de financer un fonds de soutien des projets créatifs et des créateurs. L’ONDA a signé 47 accords de représentation avec des sociétés sœurs à travers le monde, qui s’assurent que les droits collectés reviennent aux créateurs.

Abass Banougra, DG de la société guinéenne BGDA, a demandé l’aide de W&DW car, dans son pays, des lois dépassées et le manque d’implication de l’État empêchent la collecte des droits. Le BGDA a demandé un soutien international pour moderniser la législation et introduire une loi sur la copie privée.

Les délégués se sont ensuite penchés sur les complexités de la gestion des droits. Erik Valdes, Directeur des Affaires internes de la RUR, a expliqué le fonctionnement de la copie privée et souligné la difficulté de respecter la législation pour rémunérer les auteurs étrangers. Les créateurs russes sont très peu informés de leurs droits. La RUR tente d’y remédier en faisant passer l’information dans les universités et en travaillant avec les syndicats.

Peter Carpentier, membre du CA de VG-Bild Kunst a présenté une nouvelle étude toujours en cours de la FERA et de la FSE sur les réalités socioéconomiques des auteurs audiovisuels. Cette étude fournit de nombreuses données sur les auteurs audiovisuels (réalisateurs, scénaristes et autres) au fil de leur carrière (début, milieu et fin de carrière). W&DW a salué cette étude économique inédite et espère faire parler de ses résultats à l’échelle mondiale.

FERA, FSE and SAA speak about their organisations at W&DW following a presentation on a new FERA/FSE audiovisual author socio-economic study.

Amanda Harcourt, juriste et consultante juridique de W&DW, a parlé de la rémunération des créateurs par les FSI et les services numériques. Elle a exploré la situation dans les autres répertoires et rappelé de quelle façon les grandes entreprises technologiques utilisent les contenus culturels tout essayant d’éviter de rémunérer correctement les créateurs pour leur utilisation.

Le Professeur Raquel Xalabarder a présenté la nouvelle étude sur la rémunération des auteurs audiovisuels qu’elle a menée à la demande de la CISAC. Elle a souligné que, compte tenu de la législation actuelle, les auteurs sont contraints d’accepter des conditions « à prendre ou à laisser » dans leurs négociations avec les producteurs. Les textes juridiques nationaux et internationaux aident parfois les auteurs à atténuer ce déséquilibre. La meilleure solution serait d’améliorer la législation à l’échelle internationale pour instaurer un droit garanti à rémunération des créateurs audiovisuels. Dans son étude, le Professeur Xalabarder propose un texte qui pourrait être introduit dans la législation pour remédier à cette situation.

Les participants au Congrès annuel se sont également penchés sur l’avenir des nouvelles technologies et des œuvres créatives en discutant de la technologie blockchain. L’Union européenne s’est engagée à financer son développement à hauteur de 300 millions d’euros. Le 10 avril, 22 pays européens ont signé un partenariat sur la technologie blockchain. Delyth Thomas, réalisatrice membre de Directors UK, a enjoint les créateurs de se joindre à de telles initiatives afin d’avoir leur mot à dire et de façonner cette technologie dans l’intérêt des créateurs.

La blockchain peut être utilisée comme un outil de contrôle et de transparence, notamment pour aider les auteurs à comprendre et à suivre les modifications de leurs œuvres. Lorenzo Ferrero, compositeur représentant le CIAM, a attiré l’attention sur les initiatives d’Imogen Heap et la démarche des OGC qui ont créé des groupes de travail sur la blockchain. Delyth Thomas a insisté sur l’urgence de s’impliquer dans le développement de cette technologie pour éviter les problèmes qui sont apparus quand les créateurs ont réalisés les implications d’Internet.

Le Congrès s’est achevé par la décision d’écrire plusieurs lettres de soutien et d’appel à agir en Croatie, en Inde, au Brésil et en Guinée. Les participants ont également convenu d’écrire une lettre ouverte pressant les ministres européens de la Culture d’adopter un droit à rémunération des auteurs audiovisuels. W&DW incitera également activement ses sociétés membres à signer des accords de représentation avec leurs sociétés sœurs afin d’augmenter les droits versés aux auteurs.